Cour de cassation, 2e chambre civile, 13 mars 2025, n° 23-13.219
Introduction : un arrêt de principe sur la restitution de l’indu
La Cour de cassation vient de rendre un arrêt concernant la restitution de l’indu en matière d’assurance habitation. Par un arrêt du 13 mars 2025, la deuxième chambre civile a cassé une décision de la cour d’appel de Rennes qui refusait la restitution d’une indemnité d’assurance versée à tort.
Cette décision précise les conditions d’application de la restitution de l’indu lorsqu’un assureur verse une indemnité sans qu’aucun préjudice ne soit finalement établi.
Les faits : un versement d’acompte sans préjudice démontré
Le contexte de l’affaire
L’affaire oppose M. R., assuré d’un contrat d’assurance habitation souscrit le 16 juillet 2015 à une compagnie d’assurance. Suite à une déclaration de vol effectuée le 24 novembre 2015, l’assureur a versé une somme provisionnelle de 5 000 euros le 1er février 2016.
La contestation de l’assureur
Soupçonnant une fausse déclaration de la part de l’assuré, la compagnie d’assurance a :
- Notifié la résiliation du contrat d’assurance
- Saisi le tribunal d’instance pour obtenir le remboursement des sommes versées
- Invoqué la restitution de l’indu pour récupérer les 5 000 euros
La position de la cour d’appel de Rennes : une approche restrictive
Le raisonnement des juges du fond
La cour d’appel de Rennes avait débouté l’assureur de sa demande de restitution en se fondant sur l’absence de preuve que la somme avait été versée “à tort”. Les juges rennais exigeaient que l’assureur produise :
- La lettre adressée à l’assuré
- Les mentions précisant si la somme était versée “sous réserve de garantie”
Une condition supplémentaire contestable
Cette approche créait une condition supplémentaire non prévue par les textes régissant la restitution de l’indu, ce qui a motivé le pourvoi incident de la compagnie d’assurance devant la Cour de cassation.
L’arrêt de cassation : un rappel des principes fondamentaux
Les textes applicables
La Cour de cassation se fonde sur les articles 1235 et 1376 du Code civil (ancienne numérotation), aujourd’hui articles 1302 et 1302-1, qui posent les principes suivants :
- Article 1302 : ” Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.”
- Article 1302-1 : “Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer”
Le raisonnement de la Cour
La Cour de cassation adopte un raisonnement limpide :
- Absence de préjudice établi : La cour d’appel avait elle-même reconnu qu’aucun préjudice n’était démontré
- Absence de dette : Sans préjudice, l’assureur n’était tenu à aucune dette envers l’assuré
- Application automatique : Dès lors, l’acompte devait être restitué sans condition supplémentaire
Les enseignements juridiques de cette décision
Confirmation des principes classiques de la restitution de l’indu
Cet arrêt confirme que la restitution de l’indu s’applique automatiquement dès lors que :
- Un paiement a été effectué
- Aucune dette ne justifiait ce paiement
- Le créancier ne peut démontrer de préjudice
Simplification des conditions de preuve
La Cour de cassation rejette l’approche restrictive de la cour d’appel qui exigeait des preuves documentaires spécifiques sur les modalités du versement. Il suffit d’établir l’absence de justification du paiement.
Application spécifique au droit des assurances
En droit des assurances, cette décision clarifie que :
- L’assureur peut récupérer les indemnités versées à tort
- Peu importe que le versement ait été qualifié d’acompte ou d’indemnité définitive
- Les mentions de réserve ne constituent pas une condition préalable à la restitution
Les conséquences pratiques pour les professionnels
Pour les assureurs cette décision offre une sécurité juridique renforcée :
- Possibilité de récupérer les sommes versées par erreur
- Procédure simplifiée sans exigence de preuves documentaires particulières
- Protection contre les déclarations frauduleuses
Conclusion : vers une application plus rigoureuse de la restitution de l’indu
Cet arrêt du 13 mars 2025 marque une étape importante dans la jurisprudence relative à la restitution de l’indu en assurance. En rappelant les principes fondamentaux et en rejetant les conditions supplémentaires créées par les juges du fond, la Cour de cassation facilite la récupération des sommes versées à tort par les assureurs.
Cette décision s’inscrit dans une logique de protection contre la fraude à l’assurance tout en respectant l’équilibre contractuel. Elle devrait encourager les assureurs à être plus vigilants dans leurs procédures de règlement tout en leur offrant des recours efficaces en cas d’erreur.
Les professionnels du droit et de l’assurance disposent désormais d’un cadre juridique clarifié pour traiter les situations de versements indus, ce qui devrait contribuer à une meilleure sécurité juridique dans ce domaine sensible du droit des assurances.