Nullité et déchéance en appel : la Cour de cassation rappelle les contours de l’article 564 du CPC

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le
9 juin 2025

Arrêt du 28 mai 2025, 2e chambre civile, pourvoi n° J 23-21.674

Résumé de l’affaire : un litige post-incendie entre assureur et assuré

L’affaire trouve son origine dans un sinistre incendie ayant partiellement détruit des locaux appartenant à une SCI assurée auprès d’une mutuelle. L’assureur avait limité son indemnisation en invoquant une déclaration inexacte sur la surface assurée, ce qui avait poussé l’assurée, soutenue par la société Mafe industrie (occupante voisine), à l’assigner pour faire reconnaître sa garantie.

Devant la cour d’appel de Grenoble, la mutuelle a, pour la première fois, soulevé la nullité du contrat d’assurance, ou à défaut, la déchéance de garantie. Ces prétentions ont été déclarées irrecevables car nouvelles en cause d’appel. La Cour de cassation casse cet arrêt.

La question juridique : nullité du contrat ou simple défense ?

La question centrale était de savoir si les demandes formulées par l’assureur en appel, tendant à la nullité du contrat ou à la déchéance de garantie, devaient être considérées comme nouvelles prétentions irrecevables ou moyens recevables pour faire écarter les prétentions adverses, conformément à l’article 564 du Code de procédure civile.

Article 564 CPC : “À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour […] faire écarter les prétentions adverses.”

L’analyse de la Cour de cassation : élargissement des moyens défensifs

La deuxième chambre civile rappelle que les demandes nouvelles sont interdites en appel sauf si elles tendent à faire écarter les prétentions adverses. Or, l’assureur ne cherchait pas à obtenir une condamnation nouvelle, mais à contester le droit de l’assurée à l’indemnisation.

La Cour juge que :

Les demandes de nullité et de déchéance tendaient bien à faire écarter la demande adverse en indemnisation.

Ainsi, ces demandes étaient recevables, même si elles n’avaient pas été soulevées en première instance.

Une clarification bienvenue sur les droits de la défense en appel

Cet arrêt illustre la frontière entre prétention nouvelle et moyen de défense :

  • Une prétention nouvelle est irrecevable.
  • Un moyen tendant à faire écarter la demande adverse reste recevable, même s’il repose sur un fondement juridique différent (nullité, déchéance…).

Il s’agit d’un point de vigilance essentiel : le fait de ne pas soulever en première instance la nullité d’un contrat d’assurance n’interdit pas de le faire en appel si cela vise uniquement à contrecarrer une demande d’indemnisation.

Conséquences procédurales : cassation partielle et renvoi

La Cour casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble, sauf en ce qu’il avait débouté la société Mafe industrie de sa propre demande. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Chambéry pour qu’elle statue de nouveau, cette fois en prenant en compte les moyens de défense de l’assureur.