Annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile : la Cour de cassation précise la portée de l’effet rétroactif

Community Manager
le
12 mai 2025

Cour de cassation – 30 avril 2025 – Pourvoi n°22-18.259

🔍 Faits et procédure

À la suite d’un sinistre, une société est intervenue pour réaliser des travaux au domicile d’une cliente pour un montant de 2 849 euros. En l’absence de règlement, elle a assigné sa cliente devant le tribunal judiciaire de Saumur afin d’obtenir le paiement de la somme due.

Le tribunal a déclaré la demande irrecevable, considérant que la société n’aurait pas respecté l’obligation préalable de tentative de résolution amiable du litige, prévue par l’article 750-1 du Code de procédure civile dans sa version issue du décret n°2019-1933 du 11 décembre 2019.

Sur mes conseils, ma Mandante, créancière, a donc formé un pourvoi en cassation.

⚖️ Problématique juridique

La Cour de cassation devait déterminer si l’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile par le Conseil d’État (CE, 22 septembre 2022, n° 436939) privait de fondement une décision rendue en application de ce texte, alors même que l’instance avait été engagée avant la date de l’annulation.

🧾Solution retenue par la Cour de cassation

Sur un moyen d’ordre public relevé d’office (article 620, alinéa 2 du Code de procédure civile), la Cour casse le jugement du tribunal judiciaire de Saumur pour défaut de base légale. Après avoir recueilli les observations des parties conformément à l’article 1015 du CPC, elle considère que :

  • L’article 750-1 du Code de procédure civile a été annulé par le Conseil d’État le 22 septembre 2022.
  • Cette annulation a été assortie d’une limitation de l’effet rétroactif, ne concernant que les instances engagées avant cette date.
  • Or, en l’espèce, l’instance était déjà en cours (pourvoi formé le 27 juin 2022).
  • En conséquence, l’article 750-1 du CPC , annulé, n’était plus applicable au litige, et le jugement fondé sur ce texte devait être annulé.

La Cour annule donc le jugement dans toutes ses dispositions, renvoie les parties devant le tribunal judiciaire d’Angers et rejette la demande formulée au titre de l’article 700 du CPC.

🧩 Analyse juridique

Cette décision rappelle qu’une juridiction ne peut fonder une irrecevabilité sur un texte ultérieurement annulé, dès lors que l’instance était déjà pendante au moment de cette annulation. Le Conseil d’État a expressément limité l’effet rétroactif de l’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile : seules les actions engagées avant le 22 septembre 2022 peuvent en bénéficier. À l’inverse, les décisions juridictionnelles rendues avant cette date demeurent pleinement valides, même si elles ont été prises sur le fondement d’un texte depuis annulé.

Cette précision emporte une portée pratique essentielle : elle évite qu’un justiciable soit privé de son droit d’accès au juge en raison d’une formalité procédurale reposant sur un fondement illégal. En rétablissant l’équilibre des droits procéduraux, la solution retenue par la Cour de cassation assure le respect du droit à un procès équitable, tel que garanti notamment par l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

📌 Portée pratique de l’arrêt

  • Pour les praticiens, cet arrêt invite à vérifier systématiquement la date d’engagement de l’instance lorsqu’une irrecevabilité fondée sur l’article 750-1 du CPC est invoquée.
  • Pour les justiciables, il assure une meilleure protection contre des irrecevabilités issues de textes annulés.

🔁 Une confirmation récente

Quelques semaines auparavant, la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur cette problématique dans un arrêt du 6 février 2025, où elle avait jugé inapplicable l’article 750-1 du Code de procédure civile à une instance engagée avant le 22 septembre 2022, date de son annulation par le Conseil d’État. Elle avait confirmé que la condition imposant une tentative préalable de conciliation ne saurait fonder l’irrecevabilité d’une demande introduite avant cette date, en application du principe de non-rétroactivité à effet modulé.