Assurance dommages‑ouvrage : l’essentiel avant de construire
L’assurance dommages‑ouvrage relève d’une obligation de souscription pour toute personne, physique ou morale, qui fait exécuter des travaux de construction en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire. Cette assurance garantit, sans recherche préalable des responsabilités, le paiement intégral des travaux destinés à réparer les dommages de nature décennale. L’article L.242‑1 du Code des assurances prévoit que la police doit être souscrite avant l’ouverture du chantier, pour le compte du maître d’ouvrage et des propriétaires successifs, afin de préfinancer les réparations des dommages relevant de la responsabilité décennale au sens des articles 1792 et 1792‑1 du Code civil.
Champ des travaux couverts par la dommages‑ouvrage
L’assurance dommages‑ouvrage protège le maître d’ouvrage et non les entreprises exécutantes. Elle intervient lorsque les désordres relèvent de la garantie décennale des constructeurs. Le régime légal couvre les atteintes affectant la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage dès lors qu’ils sont indissociables des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. Un élément est réputé indissociable lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peuvent s’opérer sans détériorer l’ouvrage ou en soustraire de la matière, conformément à l’article 1792‑2 du Code civil.
Dans la pratique, la dommages‑ouvrage concerne notamment les immeubles d’habitation ou professionnels, les maisons individuelles, les parkings intégrés au bâti, ainsi que les réseaux encastrés, plafonds et revêtements collés lorsque leur remplacement implique une atteinte au gros œuvre. Ce périmètre s’apprécie en articulation avec la garantie décennale des constructeurs, dont la dommages‑ouvrage assure le préfinancement.
Travaux sur existant et exclusions légales
Lorsque les travaux portent sur un ouvrage existant avant l’ouverture du chantier, les obligations d’assurance ne s’appliquent pas, sauf si les éléments concernés sont totalement incorporés dans l’ouvrage neuf au point d’en devenir techniquement indivisibles. Cette règle est prévue à l’article L.243‑1‑1, II, du Code des assurances.
Le même article dresse la liste des ouvrages exclus de l’obligation d’assurance, tels que certains ouvrages maritimes, lacustres ou fluviaux, de grandes infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires ou ferroviaires, ainsi que des installations de traitement des résidus urbains, des déchets industriels et des effluents, avec leurs éléments d’équipement. Sont également exclus, sauf lorsqu’ils sont l’accessoire d’un ouvrage soumis à l’obligation, les voiries, ouvrages piétonniers, parcs de stationnement, réseaux divers, canalisations, lignes et câbles et leurs supports, équipements d’énergie et de télécommunications, ainsi que certains ouvrages sportifs non couverts. La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 juin 2023, l’interprétation stricte de cette énumération et précisé qu’un ouvrage non visé à l’article L.243‑1‑1 demeure soumis aux obligations d’assurance, y compris de dommages et de responsabilité, même s’il est l’accessoire d’un ouvrage exclu.
Point de départ et durée de la garantie
La dommages‑ouvrage a pour objet un préfinancement rapide, sans recherche de responsabilité, des réparations des dommages relevant de la garantie décennale. En principe, la garantie prend effet à l’expiration de la garantie de parfait achèvement et s’éteint en même temps que la garantie décennale, soit dix ans à compter de la réception. Cette articulation vise à assurer la continuité de la protection du maître d’ouvrage entre l’année de parfait achèvement et le terme de la responsabilité décennale.
Déclaration d’un sinistre en dommages‑ouvrage : délais et règles pratiques
Dès la connaissance d’un sinistre, le maître d’ouvrage doit respecter le délai de déclaration prévu par le contrat, lequel ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés. La déclaration est adressée à l’assureur par lettre recommandée avec accusé de réception, par envoi recommandé électronique avec accusé de réception ou déposée contre récépissé. L’usage d’un modèle de déclaration permet de sécuriser la formalisation des informations utiles et des pièces justificatives.
Lorsque le sinistre survient après la vente du bien, l’acquéreur, bénéficiaire de l’assurance dommages‑ouvrage, déclenche la procédure en saisissant l’assureur. Aucune franchise n’est due en cas de sinistre en dommages‑ouvrage, ce qui renforce l’effectivité du préfinancement.
La procédure obéit à des délais stricts, exprimés en jours calendaires. Lorsque l’échéance tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, elle est reportée au premier jour ouvrable suivant. Le point de départ est fixé au jour de la réception, par l’assureur, de la déclaration de sinistre. À compter de cette réception, l’assureur dispose de dix jours calendaires pour demander, le cas échéant, les renseignements complémentaires manquants. À réception d’un dossier complet, il dispose de soixante jours calendaires pour diligenter l’expertise des dommages, communiquer le rapport d’expertise et notifier sa position sur la prise en charge.
En cas de non‑respect du délai de soixante jours, le maître d’ouvrage peut engager les travaux nécessaires, sous réserve d’en informer l’assureur par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique avec accusé de réception. À compter de cette notification, l’assureur ne peut plus contester la nature des désordres déclarés et demeure tenu d’indemniser. L’indemnité est alors majorée d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal.
L’assureur doit présenter une offre d’indemnité dans un délai maximal de quatre‑vingt‑dix jours calendaires. Pour les sinistres d’un montant inférieur à 1 800 €, ce délai est ramené à quinze jours calendaires. À l’inverse, en cas de refus d’indemnisation, l’assureur notifie sa décision dans les quinze jours calendaires suivant la réception d’un dossier complet, en indiquant les motifs pour lesquels la mise en œuvre de la garantie est jugée injustifiée.
Le respect de ces étapes et de ces délais sécurise la gestion du sinistre et l’indemnisation. Une déclaration structurée, complète et transmise par un canal opposable, assortie d’une vigilance constante quant aux échéances, demeure déterminante pour préserver les droits de l’assuré et la bonne exécution de la garantie dommages‑ouvrage.
Contestation et périmètre des travaux de reprise
Le mécanisme de préfinancement n’emporte pas une prise en charge illimitée. La garantie ne couvre que les dépenses nécessaires à la remise en état des ouvrages ou éléments d’équipement endommagés par le sinistre. À ce titre, l’assureur peut contester des travaux de reprise excédant la stricte nécessité de réparation et refuser de financer des postes qui ne réparent pas les conséquences directes du dommage.

