La nullité des contrats d’assurance : comprendre les enjeux juridiques

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le
10 juin 2025

La nullité d’un contrat d’assurance constitue l’une des sanctions les plus importantes en droit des assurances. Elle permet aux assureurs de protéger l’intégrité du système assurantiel en sanctionnant les déclarations frauduleuses. Pour les compagnies d’assurance et mutuelles, il est essentiel de maîtriser les règles qui encadrent cette nullité afin de faire valoir efficacement vos droits.

Définition de la nullité du contrat d’assurance selon l’article L.113-8

L’article L.113-8 du Code des assurances pose le principe fondamental de la nullité spécifique au droit des assurances. Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L. 132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré.

Cette nullité se distingue des causes ordinaires de nullité du droit commun des contrats. Elle constitue un outil juridique spécifique au contrat d’assurance, destiné à préserver l’équilibre contractuel fondé sur la déclaration sincère du risque par l’assuré, principe fondamental du droit des assurances.

Les conditions cumulatives de la nullité

Pour que la nullité puisse être invoquée sur le fondement de l’article L.113-8, deux conditions cumulatives doivent être réunies :

Première condition : l’existence d’une réticence ou d’une fausse déclaration intentionnelle

L’intentionnalité constitue l’élément central. Il ne suffit pas d’une simple omission ou erreur : l’assuré doit avoir agi de manière délibérée, en connaissance de cause. Cette intention frauduleuse doit être clairement établie par l’assureur.

Seconde condition : l’influence sur l’objet du risque ou son évaluation

La réticence ou la fausse déclaration doit avoir une incidence directe sur l’appréciation du risque par l’assureur. L’information dissimulée ou déformée doit être de nature à changer l’objet du risque ou diminuer l’opinion de l’assureur sur ce risque, au point qu’il n’aurait pas contracté ou l’aurait fait à des conditions différentes.

La charge de la preuve : cadre juridique et jurisprudentiel

Principe général de la charge de la preuve

L’article 1353 du Code civil énonce le principe fondamental : “Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”

Ce principe général, connu sous l’adage latin “Actori incumbit probatio”, s’applique pleinement en matière de nullité des contrats d’assurance : l’assureur qui invoque la nullité doit en rapporter la preuve.

Implications pratiques pour les assureurs

Cette charge de la preuve impose aux compagnies d’assurance de constituer un dossier probatoire rigoureux comprenant :

  • La démonstration de l’existence matérielle de la réticence ou fausse déclaration
  • L’établissement du caractère intentionnel par des éléments objectifs
  • La preuve de l’influence de cette inexactitude sur l’appréciation du risque

L’échec dans l’établissement de la mauvaise foi interdit à l’assureur d’invoquer la nullité, rendant cette étape probatoire cruciale pour la stratégie contentieuse.

L’obligation d’information de l’assureur selon l’article L.112-4

L’article L.112-4 du Code des assurances impose aux assureurs une obligation fondamentale de transparence. Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

Cette exigence de forme vise à garantir que l’assuré soit parfaitement informé des causes de nullité qui peuvent être invoquées contre lui. Les clauses de nullité doivent être rédigées et présentées de manière à attirer irrésistiblement l’attention du souscripteur, ne laissant aucun doute possible sur leur existence et leur portée.

L’assureur qui ne respecte pas cette obligation de mise en évidence ne pourra pas se prévaloir des clauses de nullité, même si les conditions de fond sont réunies.

Les conséquences de la nullité

Lorsque la nullité est prononcée, ses conséquences sont particulièrement lourdes :

Pour l’assuré :

  • Perte rétroactive de la couverture d’assurance
  • Absence de protection en cas de sinistre, même antérieur à la découverte de la réticence
  • Obligation de restituer les indemnités éventuellement perçues
  • Exposition personnelle aux conséquences financières des dommages

Pour l’assureur :

  • Droit de conserver les primes perçues, considérées comme des dommages-intérêts
  • Libération de toute obligation d’indemnisation
  • Possibilité de réclamer la restitution des sommes versées

À noter : L’avantage de la nullité en tant que sanction contractuelle de la fraude de l’assuré est opposable aux tiers (notamment en cas de recours). Toutefois, il convient de noter que certaines législations spéciales peuvent limiter les effets de la nullité à l’égard des tiers. Par exemple, en assurance automobile obligatoire, la nullité ne peut généralement pas être opposée aux victimes d’accidents de la circulation. En effet, l’article L. 211-7-1 du Code des assurances (introduit par la loi PACTE du 22 mai 2019) prévoit que

« la nullité d’un contrat d’assurance souscrit au titre de l’article L. 211-1 n’est pas opposable aux victimes ou aux ayants droit des victimes des dommages nés d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques. »

Conclusion

La nullité des contrats d’assurance constitue un mécanisme juridique essentiel qui permet de préserver l’équilibre du système assurantiel. Elle sanctionne justement les comportements frauduleux tout en étant encadrée par des conditions strictes qui garantissent la sécurité juridique.

Pour les compagnies d’assurance et mutuelles, la maîtrise de ces règles s’avère indispensable pour protéger leurs intérêts légitimes face aux déclarations inexactes intentionnelles. Elle permet de faire respecter le principe fondamental de déclaration sincère du risque, socle de l’équilibre contractuel.

Les assureurs doivent néanmoins veiller au strict respect des conditions procédurales, notamment l’établissement de la preuve de l’intention frauduleuse et la mise en évidence des clauses de nullité. Une stratégie juridique rigoureuse, appuyée par l’expertise d’un avocat expert en droit des assurances permet d’optimiser les chances de succès dans l’invocation de la nullité.