Tribunal judiciaire de Tours 2025 – Article 1792-6 Code civil
Fissures après travaux : les faits du litige
Des propriétaires d’une maison d’habitation ont fait appel à une société de bâtiment pour réparer une fissure sur un mur de refend d’une extension. Les travaux, réalisés en janvier 2020 et facturés 6 242,15 euros, ont été intégralement réglés le 6 février 2020.
Quelques mois plus tard, en juillet 2020, la fissure réapparaît au même endroit. Les propriétaires mettent alors en demeure l’entreprise de procéder aux réparations sur le fondement de la garantie de parfait achèvement.
Garantie de parfait achèvement : enjeux juridiques et conditions d’application
Cette affaire illustre parfaitement les difficultés d’application de la garantie de parfait achèvement prévue à l’article 1792-6 du Code civil, notamment concernant :
- La détermination de la date de réception des travaux
- L’identification du moment d’apparition des désordres
- Les modalités d’indemnisation en cas de défaillance de l’entrepreneur
Réception des travaux et responsabilité entrepreneur : analyse jurisprudentielle
Réception tacite des travaux : critères et date de prise d’effet
Le tribunal rappelle que la réception peut être tacite et que le paiement des travaux crée une présomption d’acceptation de l’ouvrage. En l’espèce, la réception tacite sans réserve est fixée au 6 février 2020, date du règlement de la facture, et non au 23 janvier 2020, date d’achèvement des travaux.
Point clé : La prise de possession des lieux accompagnée du paiement constitue une présomption de réception, sauf manifestation préalable de réserves importantes.
Désordres apparents vs cachés : charge de la preuve en droit de la construction
La société soutenait que les fissures étaient déjà apparentes lors de la réception, ce qui aurait fait obstacle à l’application de la garantie. Le tribunal écarte cette argumentation en raison de l’insuffisance des preuves apportées par l’entreprise.
Les éléments déterminants dans l’appréciation du tribunal :
- Absence de photographies des désordres au moment de la réception
- Aucune contestation de l’entreprise lors des expertises amiables sur la date d’apparition
- Production par les clients de pièces contemporaines (courriers, devis) confirmant l’apparition en juillet 2020
Article 1792-6 Code civil : mise en œuvre de la garantie légale
Les conditions d’application de l’article 1792-6 étant réunies :
- Désordres apparus dans l’année suivant la réception
- Notification écrite dans les délais
- Mise en demeure restée sans suite
Le tribunal retient la responsabilité contractuelle de l’entreprise et la condamne à indemniser les propriétaires.
Conseils pratiques : droit de la construction et litiges bâtiment
Obligations de l’entrepreneur en bâtiment : bonnes pratiques
- Documenter systématiquement l’état des travaux à la réception (photographies, constats)
- Réagir immédiatement en cas de contestation du client sur l’apparition de désordres
- Proposer des solutions adaptées dès la première intervention pour éviter les reprises
Droits du maître d’ouvrage : protection juridique et recours
- Emettre des réserves écrites lors de la réception si des défauts sont constatés
- Notifier rapidement tout désordre apparaissant après réception
- Conserver tous les éléments probants (correspondances, devis, photographies)
Condamnation de l’entreprise : indemnisation et dépens
Le tribunal condamne l’entreprise à verser :
- 11 825 € TTC au titre des travaux réparatoires nécessaires (montant déterminé par expertise judiciaire)
- 3 000 € au titre de l’article 700 du CPC
- Les dépens de l’instance
En revanche, il rejette :
- La demande de restitution du prix des travaux initiaux (absence de résolution du contrat)
- La demande de dommages-intérêts pour préjudice moral (insuffisance de preuves)
Jurisprudence construction : enseignements et charge de la preuve
Cette décision souligne l’importance cruciale de la charge de la preuve en matière de garantie de parfait achèvement. L’entreprise qui souhaite s’exonérer de sa responsabilité doit apporter des éléments probants solides, notamment sur l’état des travaux lors de la réception.
Le tribunal rappelle également que l’indemnisation ne peut conduire à un enrichissement injustifié du maître d’ouvrage, d’où le rejet de la demande de restitution du prix des travaux initiaux.
Il s’agit d’une décision de première instance rendue par le Tribunal judiciaire de Tours. Cette décision peut faire l’objet d’un appel et n’a donc pas encore force de chose jugée définitive.
Cette analyse est réalisée à des fins d’information juridique. Pour toute situation particulière, il convient de consulter un avocat.