Selon les articles 1792 et 1792-7 du Code civil, la responsabilité décennale s’applique aux constructeurs pour les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. La distinction entre « ouvrage » et « élément d’équipement » est déterminante pour l’application de cette garantie.
Dans un arrêt du 25 septembre 2025 (n°23-18.563), la Cour de cassation casse partiellement une décision de la cour d’appel de Paris qui avait confirmé la compensation entre les sommes dues par l’assureur et celles dues par le maître d’ouvrage, tout en validant la qualification des travaux comme relevant de la garantie décennale.
La société Lat Nitrogen France avait confié à la société Dominion Global France la rénovation du revêtement réfractaire de la chaudière à gaz, des fours et des gaines de liaison d’une unité de production d’ammoniaque. Après réception, des fuites d’eau et de vapeur ont entraîné l’arrêt de l’unité, conduisant le maître d’ouvrage à assigner l’entreprise et ses assureurs.
La cour d’appel avait retenu que ces travaux constituaient un ouvrage au sens de l’article 1792, excluant l’application de l’article 1792-7 relatif aux éléments d’équipement.
La Cour de cassation confirme cette analyse :
« (…) Ayant retenu que ces travaux constituaient, en eux-mêmes, un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil, elle en a exactement déduit qu’ils ne relevaient pas des éléments d’équipement visés à l’article 1792-7 du même code » (Cass. civ. 3e, 25 sept. 2025, n°23-18.563).
Dominion Global France avait également contesté la compensation ordonnée par le tribunal entre :
- la créance en réparation due par l’assureur au maître d’ouvrage,
- et le solde du prix du marché dû par le maître d’ouvrage au constructeur.
Elle soutenait que cette compensation était juridiquement impossible, car les créances n’étaient pas réciproques entre les mêmes personnes. La cour d’appel a pourtant affirmé que « le principe de la compensation n’était pas contesté », ce qui était contraire aux conclusions de Dominion.
La Cour de cassation sanctionne cette erreur :
« (…) la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile » (Cass. civ. 3e, 25 sept. 2025, n°23-18.563).
Elle supprime donc la compensation et statue au fond :
- L’assureur doit payer intégralement la somme due au maître d’ouvrage (925 994,32 €),
- Le maître d’ouvrage doit régler séparément les factures impayées au constructeur (133 654,80 €),
- Aucune compensation n’est possible.

