TJUD Tours, 29 avril 2025, RG 24/01311
Dans le cadre de l’exécution d’un contrat de rénovation, le paiement du solde contractuel peut-il être valablement suspendu en raison de malfaçons non réservées lors de la réception des travaux ? Et, si tel est le cas, le juge peut-il accorder des délais de paiement au débiteur invoquant des difficultés personnelles ?
Les faits
Par une lettre de mission du 22 septembre 2021, précédée d’un devis daté du 5 juillet 2021, un particulier confie à une société dans le BTP la réalisation de travaux de rénovation pour un montant total de 366 155,41 € TTC.
Le 2 février 2023, la société établit une facture réclamant le solde de 73 231,02 €. Après relance, elle adresse une mise en demeure par lettre recommandée pour obtenir le paiement partiel de 23 231,02 €.
La procédure
La société de rénovation assigne son client devant le tribunal judiciaire de Tours pour obtenir le règlement du solde, ainsi que :
- 2 000 € au titre de résistance abusive,
- 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le débiteur oppose plusieurs moyens de défense :
- inexécution contractuelle et malfaçons persistantes,
- mauvaise maîtrise du français,
- situation financière précaire.
Les questions juridiques en débat
Le tribunal devait trancher les points suivants :
- Le paiement du solde peut-il être exigé malgré des réserves initiales ?
- Des malfaçons non réservées peuvent-elles justifier le refus de paiement ?
- Le débiteur peut-il obtenir des délais en invoquant sa situation personnelle ?
La décision du tribunal
Par jugement contradictoire, le tribunal judiciaire de Tours statue comme suit :
- L’adversaire est condamné à payer 14 231,02 € assortis des intérêts légaux à compter de la mise en demeure.
- Le juge refuse les délais de paiement sollicités.
- 2 000 € sont accordés à la société au titre de l’article 700.
- Le bénéficiaire des travaux est condamné aux dépens.
- L’exécution provisoire est maintenue.
Analyse juridique d’un litige contractuel : reconnaissance de dette, inexécution et intérêts moratoires
1. Levée des réserves et reconnaissance implicite de la dette
Le juge se fonde sur les articles 1103, 1104, 1219 et 1353 du Code civil. L’adversaire, ayant signé un constat de levée des réserves (même non daté) et versé un acompte de 9 000 € en cours de procédure, est réputé avoir reconnu sa dette. Faute de mise en demeure préalable visant les réserves non levées, l’obligation de paiement devient exigible.
2. Irrecevabilité des griefs non mentionnés à la réception
Les critiques relatives à une hotte non raccordée ou à un dysfonctionnement du chauffage sont rejetées car non mentionnées lors de la réception des travaux et insuffisamment étayées. Selon l’article 1219 du Code civil, seule une inexécution grave permettrait de suspendre l’exécution d’une obligation contractuelle.
3. Refus des délais de paiement
Le client ne présente AUCUN plan de règlement concret. Le juge relève qu’il a déjà bénéficié d’un délai de deux ans avant l’introduction de l’instance. Conformément à l’article 1343-5 du Code civil, l’octroi de délais nécessite une démonstration crédible de capacité de remboursement à court terme.
4. Intérêts moratoires et exécution provisoire
Les intérêts légaux sont dus à compter de la mise en demeure, comme le prévoit l’article 1231-6 du Code civil. L’exécution provisoire est confirmée, le bénéficiaire des travaux ne démontrant aucun motif sérieux pour y faire obstacle.
Contrat de rénovation : exigibilité du solde malgré des malfaçons non réservées et refus des délais de paiement – Une application stricte du droit des obligations en matière de réception des travaux
Ce jugement illustre une application rigoureuse du principe d’exigibilité des obligations contractuelles. Il rappelle que :
- Les malfaçons doivent impérativement être réservées lors de la réception pour être opposables.
- Les difficultés personnelles du débiteur ne suffisent pas à justifier des délais sans preuve concrète de solvabilité.
- Le droit à l’exécution provisoire est protégé tant que le débiteur ne démontre pas son incompatibilité.
Une décision conforme à la jurisprudence constante en matière de droit de la construction et de responsabilité contractuelle.