La réception des travaux, une étape juridique importante
En droit de la construction, la réception des travaux marque une phase importante dans les relations entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur. Elle constitue le point de départ des garanties légales (garantie de parfait achèvement, garantie biennale, garantie décennale) et conditionne le paiement intégral du marché, notamment la libération de la retenue de garantie.
Mais que se passe-t-il lorsque cette réception n’est pas formalisée par un procès-verbal ? Peut-elle être déduite du comportement des parties ?
C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans un arrêt du 3 avril 2025 (n° 23-19.248), en apportant un éclairage sur la notion de réception tacite.
Comprendre la réception des travaux : cadre juridique et enjeux
Définition légale et formes de réception
Selon l’article 1792-6 du Code civil, la réception est « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserves ».
La réception peut être :
- expresse, lorsqu’un procès-verbal est signé par les parties ;
- tacite, lorsqu’aucun écrit n’est établi, mais que des faits démontrent une volonté claire d’acceptation.
Pourquoi la réception est-elle juridiquement déterminante ?
La réception des travaux a plusieurs effets juridiques majeurs :
- Elle met fin aux obligations contractuelles de l’entrepreneur, sauf réserves ;
- Elle fait courir les délais des garanties légales ;
- Elle conditionne le paiement du solde du marché, notamment la retenue de garantie.
Le litige : une retenue de garantie contestée
Les faits : un sous-traitant privé de paiement
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 avril 2025, la société, sous-traitante d’un chantier de terrassement, réclamait à la société maître d’ouvrage le paiement de la retenue de garantie de 5 %, non versée à l’issue des travaux.
La Cour d’appel de Nouméa avait rejeté cette demande, estimant qu’aucune réception des travaux (ni expresse, ni tacite) n’avait eu lieu. Elle se fondait notamment sur un rapport de conformité de 2015 et sur l’absence de transmission des documents de récolement.
L’analyse de la Cour de cassation : une lecture pragmatique
Quels faits peuvent révéler une réception tacite ?
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour défaut de base légale, en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir examiné certains éléments concrets susceptibles de caractériser une réception tacite :
- Le paiement intégral des factures (hors retenue de garantie) ;
- La cession de l’ensemble des lots immobiliers du programme ;
- La prise de possession effective des ouvrages, notamment par l’ouverture d’un centre commercial sur le site.
Ces faits, pris ensemble, pouvaient démontrer une volonté non équivoque du maître d’ouvrage d’accepter les travaux, condition posée par l’article 1792-6 du Code civil.
La réception tacite ne nécessite pas de formalisme, mais des faits probants
La Haute juridiction rappelle que la réception tacite n’exige pas de formalisme particulier. Elle peut résulter de faits précis et concordants, même en présence de désordres ou de réserves.
Autrement dit, l’absence de procès-verbal ou de conformité formelle ne suffit pas à exclure la réception, si le comportement du maître d’ouvrage démontre une acceptation de l’ouvrage.
Conseils pratiques à destination des professionnels du bâtiment
Pour les maîtres d’ouvrage : formaliser pour sécuriser
Il est essentiel de formaliser la réception des travaux, même en cas de réserves. À défaut, certains comportements (paiement, occupation, revente) peuvent être interprétés comme une réception tacite, avec toutes les conséquences juridiques que cela implique.
Pour les entrepreneurs : invoquer les faits en cas de litige
En cas de litige sur la retenue de garantie ou les garanties légales, il est possible d’invoquer la réception tacite en s’appuyant sur des éléments factuels : factures réglées, prise de possession, usage de l’ouvrage, etc.
L’arrêt de la Cour de cassation du 3 avril 2025 constitue un rappel important : la réception des travaux peut être TACITE, dès lors que la volonté du maître d’ouvrage d’accepter l’ouvrage est CLAIRE et NON ÉQUIVOQUE.